Le 15 juin prochain sera l’occasion de souligner la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées, instaurée par les Nations unies en 2006. C’est une journée consacrée à la dénonciation de la maltraitance et de la négligence dont peuvent être victimes les aînés, à la mise en valeur des services d’aide et à la lutte contre l’âgisme dans la société. Mais comment savoir si l’un de nos proches vit une situation de maltraitance ou si on en vit soi-même une? Que faire si cela nous touche directement?

L’état de la situation au Québec

Avant la pandémie, on estimait que de 4 % à 7 % de la population aînée était touchée par la maltraitance, ce qui, au Québec en 2019, pouvait représenter jusqu’à 114 400 personnes, selon le CISSS de la Montérégie-Ouest. Un tiers des victimes n’auraient pas demandé d’aide, selon l’enquête sur la maltraitance envers les personnes aînées au Québec. Et ces tristes statistiques ne prennent pas en compte les deux dernières années, alors que la pandémie de COVID-19 a affecté particulièrement les aînés sur le plan physique, psychologique et social.

Les effets de la pandémie sur les ainés

« D’après ce qu’on a vu à la Ligne Aide Abus Aînés, surtout au début de la pandémie, c’est qu’un plus grand nombre d’appels venait des aînés eux-mêmes. Nous recevions moins d’appels de la famille, des proches ou des professionnels », explique Lidia Volvich, agente de planification, de programmation et de recherche spécialisée en maltraitance envers les personnes aînées. « En 2020, jusqu’à la fin du mois de septembre à peu près, alors que [le confinement] était plus strict, les aînés nous ont contactés en plus grand nombre. Les proches et les professionnels étaient moins en présentiel, il y avait beaucoup de changements quant à ce qu’on pouvait faire ou ne pas faire, les aînés nous rapportaient toutes sortes de restrictions. » Alors qu’habituellement, les appels logés à la Ligne AAA (lancée par le gouvernement du Québec en 2010) proviennent autant des aînés que des témoins, l’isolement imposé par la pandémie a forcé les aînés à solliciter eux-mêmes les services d’aide de la ligne d’appel. Avec les assouplissements des mesures, les appels de victimes et de témoins sont revenus à ce qu’ils étaient avant la pandémie, mais comme le souligne Mme Volvich, « selon les appels et le nombre d’appels qu’on reçoit à la ligne, il y a un grand besoin pour ce genre de travail ».

Les différents visages de la maltraitance

Pour savoir si un proche aîné est victime de maltraitance, il importe de comprendre ce qu’on entend par là. Pour le gouvernement du Québec et l’Organisation mondiale de la santé, « il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, intentionnel ou non, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée ». La maltraitance ou la négligence peuvent prendre divers visages :

Psychologique : chantage affectif, manipulation, infantilisation, rejet;

Physique : gestes physiques inappropriés ou absence de soins;

Sexuelle : paroles ou gestes sexuels non consentis, privation d’intimité ou non-respect de la sexualité de la personne;

Matérielle ou financière: pression au sujet du testament, détournements de fonds, surfacturation;

Violation des droits : tout ce qui porte atteinte aux droits de la personne âgée;

Maltraitance organisationnelle : à l’échelle d’organisations publiques, privées ou communautaires, par exemple sous la forme de ruptures de services ou d’environnements peu ou pas adaptés aux personnes âgées;

• Âgisme : le fait de discriminer en fonction de l’âge.

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Au Québec, les appels que reçoit la Ligne AAA concernent le plus souvent des cas de maltraitance psychologique et financière, ainsi que de violation des droits. « Toute personne avec qui un aîné a un lien de confiance peut commettre de la maltraitance, que ce soit les enfants, d’autres membres de la famille, des proches, des amis, des voisins, les conjoints, sans oublier les professionnels qui rendent des services ou offrent des soins, et cela peut être fait de façon intentionnelle ou non », expose Mme Volvich. L’absence de geste est aussi une forme de maltraitance, par exemple si l’aîné fournit une procuration à un proche pour payer les comptes, mais que la personne oublie de le faire, ou si de l’aide est requise pour des activités quotidiennes (se vêtir, manger, se laver, sortir) et que cette aide n’est pas fournie. Dans ces deux cas, on parle alors de négligence. Toutefois, avant de pointer du doigt, il faut savoir comment se vit la maltraitance ou la négligence chez la victime.

Comment reconnaître la maltraitance?

Selon Mme Volvich, il est essentiel de déterminer si le geste ou l’absence de geste cause de la détresse ou du tort à la personne. Elle donne l’exemple suivant : « Mon petit-fils me demande de l’argent, une ou plusieurs fois de suite. Il y a un lien de confiance entre nous. Est-ce que cette situation me cause de la détresse? Si je ne me sens pas à l’aise de dire non parce que je sens de la pression ou que j’ai peur de représailles, ou si je vis avec des conséquences, comme avoir de la difficulté à payer mes dépenses courantes, et même si ce n’est pas l’intention de mon petit-fils de me maltraiter, je vis de la maltraitance, car je vis de la peur. »

Plusieurs ressources sont à la portée des proches et des personnes âgées qui vivent une situation de maltraitance. Par exemple, la Ligne AAA offre de l’écoute, du soutien à la personne qui appelle, et la personne-ressource est formée pour évaluer le niveau de risque et accompagner l’appelant dans ce qu’il vit, pour l’orienter vers les meilleures ressources. La clé, c’est de ne pas rester seul, car l’isolement « est un grand facteur de risque pour les aînés », rappelle Mme Volvich. Les aînés doivent pouvoir se confier à une personne fiable, comme un médecin, un travailleur social, un policier ou même un employé d’une institution financière, des gens qui sont souvent formés pour intervenir auprès de la clientèle. En outre, plus les aînés seront au courant de leurs droits et libertés, plus ils seront prévenus de la maltraitance, particulièrement celle financière et celle qui viole leurs droits. Les proches, eux, sont invités à prendre régulièrement des nouvelles des aînés qui les entourent, afin de briser l’isolement, d’encourager la confidence et d’être à l’affût de signes qui pourraient révéler une situation problématique.

De la maltraitance… à la bientraitance

Combattre la maltraitance faite aux aînés est l’affaire de tous, et pas seulement des personnes âgées, de leur famille ou des proches aidants. En adoptant des attitudes positives face au vieillissement, en valorisant l’apport des personnes âgées dans la société et en dénonçant l’âgisme et les stéréotypes, on participe activement à cultiver la bientraitance des aînés, surtout au sein d’une population vieillissante. Et c’est en misant sur la bientraitance qu’on parvient à limiter les attitudes, les préjugés et les gestes potentiellement nocifs qui peuvent donner lieu à la maltraitance.


Ressource

La Ligne Aide Abus Ainés est un service gratuit, confidentiel et bilingue, qui s’adresse tant aux aînés qu’à leurs proches (famille, amis, proches aidants). Le service est offert tous les jours, même les jours fériés, de 8 h à 20 h.
Site Web : aideabusaines.ca
Téléphone : 1 888 489-ABUS (2287)