Dans la chaleur du mois de juillet 1969, à la suite d’une période d’écriture difficile où les mots refusaient de se manifester, Yvon Deschamps a écrit son monologue Le bonheur en une matinée. Judi Richards se souvient d’un appel qui l’a marquée : « Il m’avait téléphoné, puis m’avait raconté Le bonheur. Je me rappelle, j’étais assise sur mon lit. Le français était quand même assez nouveau, je ne comprenais pas tout encore, mais de la manière dont il l’avait expliqué, j’avais tout compris. Et quand, à la fin, il a dit “Bonheur, viens-t’en, parce que moi je m’en vais”, je pleurais. C’était tellement beau! »

Quelque 50 années plus tard, la chanteuse s’ouvre sur le bonheur qu’ils ont accueilli ensemble au fil de toutes ces années, qu’il passe par leur union même, par la famille qui en est née ou par l’engagement social qui a toujours animé le couple.

Bonheur conjugal

Le 6 novembre dernier, Judi Richards et Yvon Deschamps ont célébré leur 50e anniversaire de mariage. La longévité de leur union, Judi l’attribue à « très peu de choses », qui sont cependant tout à fait claires pour elle.

D’abord, dès le départ, les amoureux sont convaincus d’être des âmes sœurs, portés par l’amour et le respect qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Et cette conviction les fait rêver d’un avenir éloigné où ils vieillissent ensemble.

« L’idée, c’était qu’on était vraiment là pour le long terme. On s’est dit : “On veut être là jusqu’à la fin. Un jour, on va être assis sur le balcon, on va se bercer, puis on va regarder les gens courir en bas, puis on va rire”. »

Ironiquement, un second élément arrive après un hiatus de quelques années dans la relation des deux artistes. Au début de la vingtaine, Judi n’est pas prête à avoir des enfants et désire prendre le temps d’acquérir plus d’indépendance. Mais une fois ce but atteint, avec une belle carrière qui la comble de plusieurs façons – notamment sur le plan financier –, elle frappe à la porte d’Yvon et lui demande… s’il veut des enfants. « J’ai Toulouse, j’ai les enfants qui arrivent durant ce temps-là, et [Yvon] était partout au Québec! Mais ça aussi, c’est une bonne chose, parce qu’on avait un intérêt ensemble, et du travail très étoffé des deux côtés. Ça, c’est aussi un secret du bonheur. Parce que si tu es tout le temps ensemble et qu’il y a une personne qui attend l’autre tout le temps, [ça ne fonctionne pas]. »

Un troisième « secret » de la longévité du couple – et non le moindre – révèle la puissance de l’amour inconditionnel et de l’acceptation de l’autre, alors qu’un jour, Yvon avoue à Judi : « J’ai réalisé que la meilleure manière de vivre, c’est la minute où j’ai réalisé que tu étais parfaite. » « Et là, poursuit Judi Richards, quand il m’a expliqué l’idée que [si tu le décides], la personne devient absolument parfaite, j’ai été capable de faire ça pour lui aussi. J’ai dit : “Mais voyons, c’est donc une belle affaire!” De ne jamais penser qu’on va changer l’autre. Ne même pas penser vouloir changer l’autre! Et pourquoi on ferait ça? »

Bonheur familial

Chez les Deschamps et Richards, la famille est d’une importance capitale et contribue grandement au bonheur du couple.

La puissance de ces liens familiaux et du bonheur partagé s’exprime, par exemple, dans les albums et les séries de spectacles offerts par Judi et les trois filles du couple – Annie, Karine et Sarah-Émilie –, parfois accompagnées de petits-enfants.

Le dernier projet en date s’est déroulé durant les fêtes de 2021 et comprenait la sortie d’un disque et des spectacles de Noël. Et Judi Richards d’expliquer que la période des fêtes est l’une des préférées de la famille, car justement, c’est un moment qui lui est consacré : « Les enfants, aujourd’hui, ils ne veulent pas de cadeaux. Ils veulent avant tout qu’on soit ensemble. Et je parle des petits-enfants aussi! Ils veulent qu’on soit disponibles, et on l’est! »

D’ailleurs, ne cherchez pas de chansons à thématique religieuse sur l’album Noël chez les Deschamps : c’est le thème de la célébration en famille qui a été retenu pour cette œuvre, pour partager avec le public « l’amour, la bienveillance et la joie ».

Le bonheur du don de soi

Tout au long de leur vie pourtant déjà bien remplie, Judi Richards et Yvon Deschamps se sont associés à une foule de causes qu’ils ont contribué à faire connaître et au profit desquelles ils ont récolté des dons.

C’est par Le Chaînon que Judi est entrée dans le monde du bénévolat, alors qu’Yvon Deschamps œuvrait dans cet organisme depuis déjà cinq ans. « Au départ, quand on pense au bénévolat et qu’on n’en a jamais fait, on [se demande] : “Mais qu’est-ce que je pourrais faire? Ça va être difficile, je ne connais pas ça.” Mais une fois dedans, on réalise qu’il y a des milliers de choses à faire! »

Elle a donc commencé par se joindre à Yvon Deschamps en tant que porte-parole de l’organisme pour femmes en difficulté, mais par la suite, l’arrivée du bazar l’a poussée à s’impliquer davantage. Le déclic qui s’est fait? « Les gens m’aiment, ils veulent mon autographe, alors je vais créer des choses pour les vendre au profit du Chaînon : je faisais des centaines et des centaines d’articles, des calendriers, des taies d’oreiller peintes à la main… J’ai inventé toutes sortes d’affaires. J’avais du fun! Je rencontrais les femmes, et toutes sortes de publics, et c’était win-win partout. J’aime peindre, j’aime fabriquer, mais je n’ai aucun temps pour juste me faire du bien. Mais je me fais du bien en faisant quelque chose pour quelqu’un d’autre… On reçoit beaucoup plus que ce qu’on donne, de toute manière. »

La philanthropie en héritage

Au cours de ces années où il donnait du temps sans compter, le couple emmenait ses filles participer à ses actions bénévoles. Et Judi Richards a la nette impression que ses enfants ont certainement retiré quelque chose du fait d’avoir côtoyé toutes sortes de personnes différentes, dans des contextes positifs. « Elles ont vu des personnes handicapées, mais pas handicapées pour pleurer, handicapées pour dire, OK, c’est ça, il manque un bras, il manque des jambes, ils ont la paralysie cérébrale, un problème de coordination, d’élocution, de santé mentale, peu importe, elles les ont vues. »

Et la fierté de la maman s’exprime clairement lorsqu’elle ajoute que Sarah-Émilie, la cadette de la famille, s’est récemment jointe au conseil d’administration de leur fondation : « Il y a comme une suite dans les idées dans tout ça. »

La Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud

Après toutes ces années à épouser des causes plus diverses les unes que les autres, comme la faim dans le monde ou l’aide aux handicapés et aux gens dans le besoin, le couple se consacre désormais exclusivement à la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud.

Cette nouvelle version de la Fondation Yvon Deschamps a vu le jour en 2014, officialisant ainsi le lien exclusif entre elle et l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud (ASCCS), un organisme qui bénéficiait déjà depuis 1985 de l’aide d’Yvon Deschamps et qui fournit une foule de services tous plus intéressants et nécessaires les uns que les autres aux résidents du quartier, particulièrement aux enfants.

C’est d’ailleurs beaucoup à eux que pense Judi Richards lorsqu’elle évoque les confinements et les restrictions imposés par la pandémie. « [Les enfants] ont besoin de leur famille, mais ils ont aussi besoin d’avoir leur école, leur centre (communautaire), parce que ça leur offre des opportunités incroyables de s’épanouir, d’apprendre de nouvelles choses. [Les activités de l’Association] leur offrent un sentiment d’appartenance. Ils sont les bienvenus, et quelqu’un s’occupe d’eux. »

Lorsque Judi Richards parle des projets que la fondation a aidé à mettre sur pied pour l’association, il est tout à fait clair que l’implication du couple auprès de cet organisme participe à son bonheur. Après l’agrandissement des installations de l’ASCCS en 2018, rendu possible grâce à la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud, d’autres travaux devraient éventuellement être entrepris. D’abord pour ajouter une belle cuisine fonctionnelle qui permettra la tenue d’ateliers, puis, plus tard, l’insonorisation d’un bâtiment adjacent appartenant à l’association, afin de permettre la pratique de la musique dans un environnement adéquat.

Bonheur présent

Et aujourd’hui, qu’est-ce qui fait le bonheur de Judi Richards et d’Yvon Deschamps? « D’abord, l’idée qu’on soit en santé », répond la femme spontanément. Elle poursuit : « Et c’est non seulement de savoir comment va la famille, parce que ça, c’est tout le temps, mais de pouvoir s’évader, après deux ans à Montréal (le couple vient tout juste de retrouver sa maison en Floride), puis de revoir le soleil, les palmiers. On est privilégiés, on le sait, et on est très reconnaissants. Je ne sais pas pourquoi on n’a pas tous les mêmes cartes quand on arrive dans la vie, ou qu’on n’a pas tous une capacité au bonheur. Mais on l’a! On cherche le bonheur, tout le temps. On cherche à être bien et à rendre bien les gens autour de nous. Comme dans le monologue d’Yvon. Il cherche le bonheur : il passe. Il ne faut pas l’attendre trop longtemps. »


  • Pour tout connaître sur les activités de la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud : fydcs.ca
  • Pour faire un don à la Fondation Yvon Deschamps Centre-Sud : pouryvon.com
  • Pour tout connaître sur les activités de l’Association sportive et communautaire du Centre-Sud : asccs.qc.ca
  • Pour les renseignements sur les albums et spectacles de Judi Richards et ses filles : judietfilles.ca
  • Pour revoir et réentendre les monologues et les chansons d’Yvon Deschamps, visitez sa chaîne YouTube officielle.