L’enseignant en psychologie et auteur Patrick Doucet lance un nouvel ouvrage : Le crépuscule du désir? Comprendre la sexualité des adultes vieillissants qui propose une incursion au cœur de la sexualité des adultes vieillissants, qu’elle se déroule seule, dans des unions conventionnelles ou non monogames, à la suite d’un deuil, d’une maladie et même en résidence.

L’auteur donne la parole aux personnes concernées, et ces témoignages confirment que le « vieillissement n’entraîne pas nécessairement un désintérêt distingué ou un conservatisme pudibond, mais assez souvent, en fait, une bienheureuse émancipation érotique. »

« Il n’est jamais trop tard pour se questionner, pour aimer, pour trouver un partenaire. »

« La sexualité des aînés est encore taboue, affirme le psychologue. On constate d’ailleurs le malaise qui règne dans des résidences pour personnes âgées, par exemple, où on parle peu de sexualité à cause des préjugés. Ça vient de notre passé chrétien qui, entre autres, voulait que la sexualité soit légitime à des fins de procréation seulement. Rappelons aussi qu’à la fin du 19e siècle, des médecins tenaient le même discours que l’Église selon lequel c’était dangereux pour la santé d’avoir des rapports sexuels après 50 ans.

« Finalement, ce qui contribue aux préjugés, c’est le fait que la sexualité des personnes plus âgées est rarement illustrée dans les médias, au cinéma ou dans les séries télévisées, confirmant l’idée que finalement, c’est juste une population pour qui la sexualité, c’est fini. Notre société a tendance à désexualiser les personnes âgées. »

Pour en finir avec les tabous

Il n’y aurait pas d’âge officiel à partir duquel on est vieux, mais ceux qui effectuent des recherches sur la population plus âgée estiment que c’est à 50, 55, 60 ou 65 ans. C’est donc tout un pan de la société qui en aurait fini avec la sexualité alors qu’en réalité la sexualité, le plaisir, l’orgasme, c’est bon pour la santé!

Assurément, certaines difficultés apparaissent dans la vie des adultes vieillissants, mais des solutions existent pour éviter que ces enjeux ne deviennent un frein à une vie sexuelle satisfaisante. Comme l’explique Patrick Doucet, « les difficultés peuvent être liées à une maladie ou encore à la médication. Ça peut aussi être lié à des problèmes relationnels avec son partenaire privilégié. Il y a toutes sortes de choses différentes qui peuvent affecter la vie sexuelle de quelqu’un comme des attentes de performances. Mais l’idée qu’il faut performer comme à 20 ans peut nuire aux activités sexuelles. »

Les solutions prennent forme, selon le psychologue, à partir du moment où on discute ouvertement de sexualité; pour élargir la définition de ce qui est normal et pas normal. « Ça ne veut pas dire que son partenaire ou sa partenaire a exactement la même idée. Élargir sa définition de la normalité permet de se décoincer et de définir sa propre notion de normalité; il y a tellement de façons de bien vivre sa sexualité. Le but, c’est de trouver sa propre façon d’être normal. »

« Comprendre que les autres ne sont pas comme nous permet d’éviter des définitions trop strictes à propos de ce qui est normal lorsqu’on est plus vieux et de demeurer ouvert. Plusieurs se demandent si la pornographie, c’est une bonne chose; si d’avoir des relations ouvertes à 65 ans, c’est bien ou non; si utiliser un vibrateur lorsqu’on est en couple, c’est correct. Dans le livre, je donne la parole à une quantité d’hommes et de femmes qui racontent leurs difficultés et qui offrent leurs solutions; ça donne des idées aux lecteurs et aux lectrices pour garder leur vie sexuelle active et pour se débarrasser des tabous. »

Le livre donne la voix à tant de personnes qu’on finit par se retrouver et par comprendre les difficultés que d’autres personnes ont vécues et qu’elles ont trouvé des solutions qui fonctionnent pour elles.

L’émancipation sexuelle passe par l’ouverture d’esprit

Selon le psychologue, une certaine ouverture d’esprit peut contribuer au maintien d’une sexualité satisfaisante. « L’ouverture d’esprit, ça veut dire qu’on peut se satisfaire autrement que par la pénétration, par exemple; que les activités orales et l’utilisation de pornographie et de vibrateurs peuvent aider un couple à contourner certaines difficultés. Mais d’abord et avant tout, l’ouverture d’esprit peut contribuer à une communication plus claire dans le couple à propos de ses envies, de ses difficultés, de ses inconforts et de ses malaises. »

Une des statistiques les plus frappantes du livre veut que parmi les 60 ans et plus sexuellement actifs, 74 % des hommes et 70 % des femmes se disent autant ou plus satisfaits de leur vie sexuelle que dans la quarantaine. Force est de constater qu’au-delà des restrictions et des tabous, la vie sexuelle des adultes vieillissants non seulement existe, mais elle est satisfaisante.

« Dans la quarantaine, il faut composer avec le stress de la vie professionnelle et familiale, donc certains peuvent se sentir plus dégagés de tout cela dans la soixantaine et profiter du fait qu’ils sont plus détendus pour avoir une sexualité plus satisfaisante. Il y a un tabou social qui existe bel et bien, mais ce n’est pas tout le monde qui vit mal l’intimité et la sensualité. Ce n’est pas tout le monde qui est victime des tabous et plusieurs sont plus dégagés au sujet de la sexualité, mais on n’en parle pas, car il y a un certain malaise. Par exemple, je lisais récemment les propos d’une femme de 80 ans qui racontait à ses amies qu’elle avait un partenaire depuis cinq ans et que ça allait bien du côté de la sexualité et qu’ensemble ils s’y adonnaient chaque jour avec bonheur. La réponse de son amie, ça a été de lui dire : menteuse! »

Il n’est jamais trop tard pour aimer

Patrice Doucet souligne par ailleurs que « la sexualité, c’est physique, mais ce n’est pas juste physique et même vieux, on continue d’aimer, puis cet amour-là peut s’exprimer de toutes sortes de façons », tout comme la sexualité.

« Le désir d’aimer et d’être aimé ne meurt jamais. Cet amour-là peut se traduire par des contacts physiques ou non, par la sexualité ou non. Le message principal à retenir des hommes et des femmes vieillissantes qui ont raconté leur expérience dans ce livre, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour se questionner, pour aimer, pour trouver un partenaire. Il n’est jamais trop tard pour aimer et cet amour-là peut se traduire par des relations physiques affectueuses.

Le livre Le crépuscule du désir? Comprendre la sexualité des adultes vieillissants de Patrick Doucet est offert en librairie depuis août 2022.